La conquête des Metavers & NFTs : entre enjeux et opportunités pour les institutions financières

En février 2022, un agent général affilié au réseau AXA ouvre la première agence d’assurance virtuelle en France dans le Metavers.
C’est une agence qui n’a rien à envier à une agence physique puisqu’on y retrouve une salle d’attente, une salle de réunion, des plantes et sans oublier le plus important, des collaborateurs d’agence ou du moins leurs avatars. Certes des contrats d’assurance ne sont pas conclus dans cet espace virtuel car la règlementation ne le permet pas, mais c’est une approche novatrice qui vient briser les frontières entre la réalité et la fiction.

Dans la théorie, l’univers virtuel plus connu sous le nom de Metavers prend ses origines du grec « Meta » qui désigne aller au-delà, transcender et « Vers » pour Univers. C’est un terme tout droit sorti du roman de science-fiction « Snow Crash » de Neal Stephenson paru en 1992. Ce livre évoque un monde apocalyptique dans lequel, pour échapper à la réalité, il existe un monde virtuel qui permet à ses utilisateurs d’interagir et de se déplacer sous la forme d’un avatar.

Un univers où le champ des possibles est infini

Au-delà de ce concept littéraire, la technologie actuelle tente de rendre possible cette fiction. Comme l’exemple d’AXA l’illustre bien, on peut aujourd’hui acquérir un espace virtuel en trois dimensions en temps réel et persistant. C’est-à-dire que l’univers subsiste même lorsque l’utilisateur se déconnecte. L’accès est facilité par un casque ou des lunettes à réalité virtuelle permettant à l’utilisateur de se déplacer, communiquer, acheter, jouer, travailler et où les possibilités sont infinies.

Dans l’hypothèse où les Metavers se généralisent, cela impliquerait un changement profond de nos habitudes d’interactions, de notre approche vis-à-vis du travail ou encore de notre manière de consommer. Nos habitudes d’achat seraient bouleversées, acheter des objets numériques deviendrait la norme tel qu’acheter un bien immobilier ou encore des objets pour meubler ce bien. Cela est permis par les Non-Fungible Token (NFT), soit jeton non fongible en français. Ce terme signifie qu’un objet est unique et n’est pas interchangeable.

NFT et Metavers représentent non seulement de nouvelles opportunités commerciales mais également un risque accru de cybercriminalité

Les NFTs et Metavers sont au cœur de tous les débats, ils représentent de nouvelles opportunités commerciales sans précédent. Le cabinet McKinsey&Company affirme que d’ici 2030, ces innovations pourraient générer entre 4000 et 5000 milliards de dollars. Cette nouvelle ère, pousse les institutions financières à s’interroger sur leur positionnement, la définition de la matière assurable et les défis qui peuvent en découler.

Quelques pistes peuvent être explorées pour tenter de répondre à ses prérogatives. De prime abord, pour les assureurs, les équipements tels que casques et lunettes sont assurés au même titre que les objets standard d’un foyer. En revanche, les logiciels permettant d’accéder à l’interface d’un Métavers représentent un risque accru de cybercriminalité. Le plagiat de ligne de code d’un logiciel et les attaques pourraient s’avérer désastreuses au vu de la quantité des données échangées. Ces Metavers contiendront des informations sensibles sur leurs utilisateurs comme les NFTs en leur possession qui peuvent être dérobés. À cet effet, une solution de couverture des NFTs a été mise en place par la société YAS en partenariat avec Generali, appelé NFTY. C’est une micro-assurance couvrant le vol et la perte d’un NFT.
Les vols de NFT (arnaques et piratages) auraient totalisé plus de 100 millions de dollars de butin entre juillet 2021 et juillet 2022, selon Elliptic.

Mais l’innovation assurantielle ne s’arrête pas là, puisque l’on peut imaginer l’assurance de demain à travers l’utilisation des Metavers comme un levier important pour accélérer le processus de vente et toucher une population plus large. L’assureur du virtuel proposera des produits d’assurances de manière plus immersive facilitant la présentation de nouvelles garanties ou produits qui répondent notamment aux effets du changement climatique. Ou encore de se rapprocher des nouvelles générations plus tôt en utilisant une technologie qui leur parle.

Par ailleurs, une des autres prérogatives pour les assureurs reste l’estimation de la matière assurable. Pour faciliter cette évaluation d’autres secteurs comme celui de l’automobile peuvent y contribuer. C’est le cas avec le constructeur automobile Alfa Romeo qui a annoncé que les prochains SUV Tonale seront accompagnés d’un carnet d’entretien du véhicule sous forme de NFT. Pour les assureurs cela permet :

  • Un suivi de l’ensemble des données du véhicule de l’achat à l’ensemble des étapes de maintenance du véhicule qui permettrait ainsi d’adapter la prime d’assurance,
  • Une réduction des fraudes car le certificat sera infalsifiable et permettant ainsi une meilleure connaissance de la valeur de l’automobile en temps réel.

Côté bancaire, c’est la banque internationale HSBC qui ouvre le bal en achetant une parcelle dans le métavers « The Sandbox ». Car selon HSBC le métavers est la manière dont les gens expérimenteront le Web3, la prochaine génération d’internet. Leurs principales cibles dans un premier temps sont les fans de jeux vidéo et de eSport.
D’autres acteurs mènent des actions sur le Metavers tel que JP Morgan qui a ouvert un salon virtuel dans Decentraland, un jeu populaire dans le Metavers construit sur la blokchain Ethereum.

Une innovation pour les institutions financières mais pas uniquement…

Le marché de l’immobilier numérique également, prend une telle ampleur que les ventes ont dépassé 500 millions de dollars en 2021 et devrait doubler d’ici fin 2022 selon les analystes de Metametric Solutions spécialisés dans l’étude de l’immobilier numérique. Car l’acquisition de biens immobiliers virtuels suit exactement les mêmes règles de valorisation que pour les biens immobiliers physiques puisque les investisseurs immobiliers du Metavers sont en compétition sur les meilleurs emplacements.
Ces chiffres sont prometteurs et soulèvent la question de la sécurité des infrastructures.

Actuellement, l’écosystème des Metavers comprend plusieurs acteurs dont les quatre plus grands sont The Sandbox, Decentraland, Cryptovoxels et Somnium. Leurs principaux points communs sont d’être accessibles gratuitement, de proposer l’achat et la revente de terrains sous forme de NFT sur la blockchain, offrant aux propriétaires une certaine liberté de construction et d’utilisation.
Ces environnements peuvent se montrer stables et rassurer les banques et les assureurs à investir massivement. Mais le fait qu’ils soient nombreux peut également être un frein pour certain.

L’avenir des Metavers et des NFTs reste à construire, les opportunités et les défis qu’ils représentent sont à considérer. Les initiatives amorcées par Axa, Generali ou encore HSBC traduisent bien cette volonté de passer à un niveau supérieur. C’est un écosystème qui promet de rapprocher les acteurs financiers de leurs clients et de les comprendre davantage afin de proposer des solutions personnalisées. Pour rendre cela possible, les produits d’assurance et les produits bancaires seront soumis à la validation de la réglementation. C’est peut-être simplement une question de temps avant de basculer dans les Metavers.

Sabrina Bouazzara – Consultante Finance & Risques Techniques