Vers davantage de KPI extra-financier normés pour une publication de données fiables et comparables et ainsi lutter contre le green washing

Dans le contexte de mille feuilles règlementaire en matière de durabilité, l’un des principaux danger, qui contribue d’ailleurs au green washing, est le manque de cadre imposé dans la production des indicateurs.

Même si certaines règlementations, telles que SFDR et Taxonomie poussent les entreprises à produire des KPI dans un cadre relativement précis, le manque de données fiables empêche les institutions financières de publier leurs KPI avec sérénité. C’est la raison pour laquelle la Commission Européenne a apporté des précisions, suite à des interrogations formulées par les acteurs européens, sur le fait que si un acteur des marchés financiers n’est pas en mesure de collecter des données nécessaires pour publier l’alignement dans le cadre de son Green Asset Ratio, il doit indiquer un alignement à 0%.

La directive européenne CSRD (« Corporate Sustainability Reporting Directive » ou « Directive sur les rapports de développement durable des entreprises »), initiée par la Commission européenne en avril 2021, qui vise à refondre la directive sur le reporting non financier des entreprises (NFRD), sera «une des priorités de la présidence française de l’Union Européenne».

Elle a vocation à imposer aux grandes entreprises européennes, la publication d’un reporting extra-financier sur les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), au même titre que les Etats-Unis et l’Asie, qui ont également entamé des travaux. Il est important que l’Europe aille vite sur le sujet et se dote de sa propre norme en matière de reporting extra-financier. La CSRD a pour vocation non seulement d’élargir le champ d’application à un plus grand nombre d’entreprises, mais également de rendre plus efficace les différentes normes en matière de durabilité en vigueur en proposant un outil permettant un accès unique à la donnée extra-financière.

Même si les 13 normes rédigées par l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group, l’organisme qui traditionnellement travaille sur les reportings financiers en particulier les normes IFRS), sont encore au stade de la consultation publique avant de passer devant la Commission Européenne pour une rédaction des actes délégués à l’automne prochain, nous savons d’ores et déjà que les contours du cadre permettront de mesurer et traduire :

  • L’impact de l’activité de l’institution financière sur le climat ;
  • Les risques climatiques pesant sur l’institution financière ;
  • L’impact social de l’activité de l’institution financière, qui est un point sur lequel l’Europe renforce les exigences internationales davantage focalisées sur les aspects climatiques (1).

Monétisation des indicateurs extra-financiers 

La crédibilisation des notions extra-financières dans l’entreprise passe par une monétisation de celles-ci. Cela se traduira par davantage de connectivité entre le financier et l’extra-financier et la mise en place d’indicateurs ayant une composante quantitative.

Certes les KPI extra financiers sont apparus il y a déjà plusieurs années à travers la publication notamment du rapport ESG et de la DPEF (Déclaration de Performance Extra-Financière), mais jusqu’à présent ils étaient rarement quantifiables et encore moins monétisés.

Quels impacts financiers peuvent traduire ces KPI extra financiers ?

Certains acteurs financiers ont d’ores et déjà pris ce virage. Arkéa par exemple, a adopté une approche novatrice en définissant une méthodologie précise pour commencer à communiquer sur les KPI extra-financiers (2). De nombreux secteurs essaient de suivre le pas en réfléchissent à comment monétiser leur KPI à travers des critères sociaux et environnementaux (empreinte carbone, diversité des chances…).

Comparabilité et qualité des KPI extra-financiers

Mais le choix des indicateurs reste individuel et difficilement comparable. D’où la finalité de cette directive CSRD qui est de lutter contre le greenwashing et de répondre aux exigences du marché (3), en améliorant la qualité, la fiabilité et l’accessibilité des informations qualitatives, quantitatives, prospectives et rétrospectives pour permettre de produire des données comparables à destination des parties prenantes et des fournisseurs.

Il s’agit d’intégrer la durabilité à tous les étages et les processus de l’entreprise à travers la matrice de risques.

  • Cela a commencé par l’intégration des critères ESG à travers une classification des actifs investis pour plus de transparence grâce notamment aux règlements européen SFDR et Taxonomie – une sorte de nutri-score des produits financiers ;
  • Puis une intégration des risques en matière de durabilité au passif des assureurs, qui ont déjà commencé, via les différents exercices ORSA incluant les risques climatiques et demain les actes délégués de Solvabilité II qui entreront en application le 2 août 2022 pour les risques en matière de durabilité et vont ainsi amplifier l’intégration de l’extra-financier dans le dispositif de gestion des risques global et la gouvernance de l’entreprise ;
  • Jusqu’à l’intégration également des risques de durabilité dans le processus de distribution des produits : lors de l’interrogation des épargnants sur leurs préférences extra financières avant conseil, et lors de la prise en compte de la durabilité dans la phase de conseil.

Il est possible que cette obligation réglementaire prenne plusieurs années pour être totalement respectée et doive s’accompagner de contrôles afin de garantir la qualité, l’exactitude et la comparabilité des données fournies (4). Pour y parvenir, la Commission européenne va mettre en place une plateforme ESAP, European Single Access Point, qui centralisera toutes les informations durables et financières des entreprises.

Devant la multiplication des normes et les orientations législatives impulsées sous l’égide de l’Union Européenne(5), les institutions financières gagneront à se saisir dès maintenant de ces nouvelles réglementations leur permettant de :

  • Participer à l’effort commun climatique ;
  • Bénéficier d’une image de pionnier dans l’innovation et le développement durable, avec un impact positif sur le new business et sur la marque employeur.

Pour y parvenir, la traduction monétaire des externalités extra-financières, la diffusion de bonnes pratiques et la comparabilité des résultats obtenus avec ceux d’autres institutions financières constituent des enjeux majeurs.

Laurent Doutriaux – Consultant Senior Adequation Advisory, Finance et pilotage de la performance
Vincent Andrieu, Associé Adequation Advisory, Compliance & Risk Management

Références :