Benchmark SFCR 2020

Benchmark SFCR 2020

« Pour rappel, les entreprises d’assurance européennes ont communiqué, pour la 5ème année consécutive depuis l’entrée en vigueur de Solvabilité 2 (Pilier 3) en 2016, deux rapports narratifs au niveau entité le 8 avril 2021 et au niveau Groupe le 19 mai 2021 :

  • Le Regular Supervisory Report (RSR) à destination du superviseur local
  • Le Solvency and Financial Conditions Report (SFCR) à destination du marché (dont une copie est également transmise au superviseur)

Dans cette étude, Adequation Advisory vous propose une analyse des publications des SFCR 2020 des principaux Groupes[1], d’acteurs du secteur de l’assurance, avec un focus sur la solvabilité et sur l’activité.L’échantillon retenu pour ce benchmark comprend 3 types d’acteurs majeurs du marché français : les bancassureurs, les assureurs traditionnels, et les mutualistes et organismes paritaires, soit près d’une trentaine de rapports narratifs.

Dans cette étude, nous répondrons aux questions suivantes :

  • Quels ont été les impacts de la crise sanitaire sur la solvabilité des Groupes d’assurance en 2020 ?Comment les sensibilités de leur ratio de solvabilité ont-elles évolué avec les conséquences de la crise sanitaire sur les différents scenarii économiques ? Comment les impacts de la crise sanitaire ont-ils été traités dans les SFCR ?
  • Quels sont les impacts de la prise en compte de la provision pour participation aux excédents (PPE) sur la solvabilité des Groupes d’assurance depuis 2019, année de l’entrée en vigueur du décret autorisant l’intégration de la PPE dans les fonds propres ?
  • Comment les nouvelles exigences réglementaires de 2020 sur les impôts différés ont-elles été traitées dans les SFCR ?

En synthèse, les points majeurs à retenir de cette étude sont :

  • Une baisse moyenne des ratios de solvabilité de 20 points en 2020, ceux-ci restant toutefois à des niveaux acceptables de façon générale, avec les mutualistes et organismes paritaires en tête devant les bancassureurs et les assureurs traditionnels
  • Les SFCR 2020 ont constitué un outil de communication très largement utilisé par les acteurs de l’assurance en ce qui concerne les impacts de la crise sanitaire. A contrario, les impacts chiffrés des études de sensibilité en cas de chocs ont fait l’objet d’une communication rare et succincte.
  • Une évolution à venir dans les prochaines années des rapports narratifs. En effet, une révision de la directive Solvabilité 2 est actuellement en cours et ne devrait pas entrer en vigueur avant 2024. Celle-ci prévoit notamment l’introduction d’un nouveau choc de taux en environnement de taux bas, et des ajustements sur les contenus des rapports narratifs avec pour principal objectif la séparation des SFCR en deux parties (l’une dédiée au public, et l’autre aux professionnels). »
  1. Les données en vision Groupe comprennent toutes les zones géographiques dans lesquelles les Groupes du panel exercent une activité.

L’année 2020 a été marquée par une baisse moyenne du ratio de solvabilité de 20 points sur le panel de Groupes retenus dans l’étude. Cette baisse a été plus prononcée chez les bancassureurs (-25 points), compte tenu de la part importante de la Vie dans leurs activités.

La part des fonds excédentaires (PPE en France) dans les fonds propres a augmenté en 2020 de +5 points en moyenne par rapport à 2019, du fait d’un changement de méthode de calcul avec la méthode complète au lieu du montant forfaitaire applicable. En 2020, la part des fonds excédentaires dans les fonds propres représente en moyenne 29% chez les bancassureurs, 15% chez les assureurs traditionnels et 7% chez les mutualistes et organismes paritaires.

Sur le volet sensibilités des ratios de solvabilité, nous constatons de fortes disparités dans les informations communiquées, notamment sur les impacts des chocs appliqués.

Ainsi, et en raisonnant exclusivement sur notre échantillon, nous constatons que ce sont les assureurs qui communiquent le plus sur les impacts chiffrés des chocs. En effet, tous les assureurs de notre panel communiquent a minima 4 des 7 impacts chiffrés sélectionnés pour notre benchmark pour le risque de marché. Viennent ensuite les bancassureurs : seulement 2 des 6 bancassureurs de notre échantillon ont communiqué les impacts chiffrés des chocs appliqués.Enfin, seul un acteur (COVEA) des 6 mutualistes et organismes paritaires de notre échantillon a communiqué certains impacts chiffrés.

Sur les impacts de la crise sanitaire, les acteurs de notre panel ont globalement utilisé les SFCR comme un outil de communication financière à part entière. Les impacts de la crise sanitaire sur leurs différentes branches d’activité sont détaillés et commentés ainsi que les différentes mesures « extra-contractuelles » qu’ils ont pu prendre au bénéfice de leurs assurés.

Quant aux nouvelles exigences réglementaires sur les impôts différés, impliquant désormais la communication d’informations sur la gouvernance de la gestion des risques d’impôts différés, l’actif d’impôt différé dans les fonds propres et la capacité d’absorption des pertes des impôts différés dans le capital de solvabilité requis (SCR) et le minimum de capital requis (MCR), elles ont été peu suivies. Dans notre panel d’étude, aucun acteur n’a communiqué sur la 1ère exigence du nouveau règlement délégué. AXA, CAA et COVEA sont des seuls acteurs à avoir communiqué à la fois sur les impôts différés dans les fonds propres et sur la capacité d’absorption des pertes des impôts différés.

L’ensemble de ces éléments font l’objet de graphiques et d’études détaillées et comparatives dans les pages suivantes.

EVOLUTION DES RATIOS DE SOLVABILITE

Acceder à l’image

Source du graphique : QRT des groupes publiés dans leurs SFCR.

* Source : rapport annuel ACPR 2020.

L’année 2020 est marquée par une baisse moyenne du ratio de solvabilité de 20 points. Cette baisse est plus prononcée chez les bancassureurs (-25 points). Les mutualistes et organismes paritaires présentent les ratios les plus élevés compte tenu de leur activité et du fait qu’elles ne versent pas de dividendes.

Dans le panel d’acteurs retenus, les Groupes Malakoff Humanis, Groupama, AG2R La Mondiale, Allianz et Natixis Assurances appliquent des mesures transitoires pour le calcul de leurs provisions techniques. Pour rappel, ces mesures permettent aux entreprises d’assurance et de réassurance de disposer d’un temps d’adaptation avant d’appliquer pleinement les dispositions de la directive Solvabilité 2 et d’en lisser dans le temps, les impacts financiers. Ces mesures sont soumises à autorisation préalable de l’Autorité de contrôle. La mesure transitoire portant sur les provisions techniques permet d’étaler sur 16 ans l’impact du passage d’un calcul de provisions techniques aux normes Solvabilité I à un calcul Solvabilité II.

Il est intéressant de noter que AG2R La Mondiale, Groupama et Natixis Assurances ont des ratios faibles hors mesures transitoires (respectivement : 136%, 152% et 139% à fin 2020).

La prise en compte de la PPE augmente le ratio de solvabilité de 44 points en moyenne sur l’ensemble des Groupes. Compte tenu de la part importante de la Vie dans leur activité, l’effet est beaucoup plus important chez les bancassureurs (73 points) que chez les assureurs traditionnels (34 points).

L’augmentation du ratio de solvabilité d’Allianz (+28 points) s’explique par la mise en place des mesures transitoires pour la première fois en 2020, augmentant son niveau de fonds propres.

La baisse du ratio de solvabilité sur Sogécap s’explique par une baisse des fonds propres éligibles par rapport à 2019 (baisse des marges futures et du versement d’un dividende en fin 2020, partiellement compensée par l’augmentation des fonds excédentaires liée au changement de méthode de calcul de la PPE (part forfaitaire en 2019) et d’une hausse du SCR liée aux conditions de marchés défavorables). Il est intéressant de souligner que sans PPE, le ratio de Sogécap est inférieur à 100%.

EVOLUTION DE LA PART DE PPE (SURPLUS FUND) DANS LES FONDS PROPRES

Acceder à l’image

Source du graphique : QRT des groupes publiés dans leurs SFCR.

Depuis l’exercice 2019, un décret autorise les acteurs du secteur de l’assurance à intégrer la provision pour participation aux excédents dans les fonds propres éligibles à la couverture du SCR.

On constate que la part de surplus fund a globalement augmenté en 2020 (+5 points en moyenne par rapport à 2019) du fait d’un changement de méthode de calcul avec la méthode complète au lieu du montant forfaitaire applicable en 2019 (70% du montant comptable de provision pour participation aux bénéfices admissible) – c’est le cas de Sogécap et CNP.

Les Groupes VYV et Malakoff Médéric ne présentent pas de surplus fund du fait de la nature de leur activité (santé – prévoyance).

COMPARAISON DES SENSI DES RATIOS SELON LES DIFFERNTS SCENARII ECONOMIQUES

Acceder à l’image

Source du tableau : SFCR exercice 2020 des acteurs concernés

Acceder à l’image

Source du graphique : SFCR exercice 2020 des acteurs concernés

Acceder à l’image

Source du graphique : SFCR exercice 2020 des acteurs concernés

Dans notre panel d’acteurs de l’assurance, nous pouvons voir que les assureurs traditionnels sont les mieux armés. En se basant uniquement sur COVEA pour les mutualistes et organismes paritaires, cette catégorie vient en deuxième position. Enfin, les bancassureurs sont les plus sensibles aux chocs.

Nous pouvons constater de fortes disparités dans la capacité d’absorption des chocs prévus par la directive Solivabilité 2.

Concernant la baisse de 25% du cours des actions, nous pouvons voir que cela engendrerait une hausse de 4 points du ratio de solvabilité de COVEA. A contrario, cela engendrerait une diminution de 20 points du ratio du groupe SOGECAP.

Dans un scénario de baisse des taux d’intérêt de 50 bps, Aviva plc est l’acteur qui résisterait le mieux avec un impact de -8 points sur son ratio de Solvabilité. A l’autre extrémité, se situe le groupe SOGECAP qui verrait son ratio fondre de 62 points. La solvabilité de COVEA serait également fortement impactée avec une diminution de son ratio de 33 points.

Enfin, au sujet des chocs de spread de crédit sur les emprunts, il est à noter que le groupe SOGECAP fait mention dans son SFCR 2020, d’un impact de -53 points en appliquant simultanément une hausse de 50 bps des spreads étatiques et de 100 bps des spreads corporates. COVEA raisonne de manière assez similaire en appliquant concomitamment une augmentation de 50 bps des spreads (sans distinction), engendrant une diminution de 31 points de son ratio de solvabilité.

Acceder à l’image

Source du tableau : SFCR exercice 2020 des acteurs concernés

Comme le tableau ci-dessus le montre, la communication des acteurs de l’assurance au sujet du risque de crédit est très limitée. Comme le risque de marché, ce sont toutefois les assureurs traditionnels qui communiquent le plus sur les impacts chiffrés des chocs de crédit.

Il est à noter que l’étude d’impact des spreads de crédit se situe, suivant les acteurs, en risque de marché ou en risque de crédit.

EXERCICE DE COMMUNICATION FINANCIERE

COMMENT LES IMPACTS DE LA CRISE SANITAIRE ONT-ILS ETE TRAITES DANS LES SFCR

En synthèse, voici les tendances que l’on peut dégager sur la communication des impacts de la crise sanitaire dans les SFCR par les différents acteurs sélectionnés dans notre panel :

Acceder à l’image

  1. Allianz a constaté une « dégradation » de son mix € / UC du fait de la baisse de sa collecte en unités de compte (UC) à fin 2020 (0,7 Md€ vs 1,1 Md€ à fin 2019 alors que sa collecte en épargne traditionnelle reste stable par rapport à 2019). Cette baisse de la collecte en UC provient principalement du marché américain.
  2. Allianz et Generali ont constaté une hausse de leurs cotisations en Santé grâce à leurs marchés à l’international.
  3. Natixis Assurances est le seul acteur à indiquer une baisse de sa sinistralité en Garanties Accidents de la Vie.

Impact chiffré de la crise sanitaire sur le résultat :

  • Parmi les acteurs du panel de notre étude, tous les assureurs traditionnels (hormis Allianz) ont communiqué un impact chiffré de la crise sanitaire sur leurs résultats.
  • Chez les mutualistes et organismes paritaires, seuls deux (AG2R La Mondiale et Groupama) en ont fait part.
  • A l’inverse, aucun groupe de bancassureurs n’a communiqué à ce sujet dans leur SFCR.

Indication du montant de participation aux mesures COVID-19 mises en place par les gouvernements :

  • On constate que quasiment tous les acteurs du panel, à l’exception d’Allianz, Malakoff Humanis et VYV, ont communiqué sur le montant de leur participation aux mesures COVID-19 mises en place par les gouvernements (fonds de solidarité pour les entreprises, indépendants et entrepreneurs, « taxe santé » sur les organismes complémentaires d’assurance maladie).

Communication sur les gestes « mutualistes » (extra-contractuels) au bénéfice des assurés :

  • Sans surprise et compte tenu de leur modèle économique, les mutualistes et organismes paritaires ont mis en place des gestes extra-contractuels pour leurs assurés (par exemple : remise ou report des cotisations pour les professionnels en difficulté, prise en charge extracontractuelle comme l’extension de la couverture des arrêts de travail pour garde d’enfants, création de fonds de soutien aux entreprises ou aux indépendants, financement de fonds d’action sociale etc.).
  • Il est également intéressant de noter que tous les bancassureurs (sauf Cardif) ont également communiqué sur la mise en place de ces dispositifs pour leurs assurés alors qu’il s’agit d’entreprises capitalistiques.

Afin de mieux comprendre le contexte et nous y retrouver par rapport aux communications des acteurs retenus de notre étude, nous allons voir ci-après une analyse des impacts de la crise sanitaire sur les branches d’activitié.

Impacts de la crise sanitaire sur les branches d’activité :

  • Sur la branche Epargne, tous les acteurs déplorent la baisse de la collecte du fait du ralentissement de l’activité, de l’incertitude liée à la volatilité des marchés et à l’attentisme des assurés qui ont préféré garder une épargne liquide de précaution : selon la Banque de France, les Français ont épargné environ 142 milliards d’euros de plus « qu’en temps normal » entre la fin du premier trimestre 2020 et la fin du premier trimestre 2021. Néanmoins et fait surprenant, alors que les fonds euros décollectent et que les Français sont plutôt adverses au risque (la détention d’actifs risqués a été divisée par 2 en 10 ans), l’assurance vie en unités de comptes (UC) fait figure d’exception. En 2020, en France, la collecte nette en UC atteint 18,3 milliards d’euros (contre 14,3 milliards en 2019), marquant l’orientation croissante des Français vers une diversification de leur épargne pour améliorer leur espérance de rendement.
  • Sur la banche Auto,la grande majorité des acteurs reconnaît une baisse de fréquences liée aux périodes de confinement ce qui a eu un effet positif sur la sinistralité : en France en 2020, le nombre de sinistres enregistrés est en baisse de 19 % à 19 200. La fréquence des accidents corporels s’établit à 63 sur une base 100 en 2020 soit une baisse de 4,6 % par rapport à 2019 et à 61 sur une base 100 pour les accidents matériels, soit une baisse de 4,8 %. Mais si les sinistres sont moins nombreux, la FFA relève qu’ils sont toujours plus coûteux. Le coût moyen des accidents corporels affiche une hausse de 5,7 % par an et 3,2 % pour les accidents matériels. Contrairement à certains secteurs de l’assurance comme le marché des entreprises, impacté par les pertes d’exploitation, la branche automobile voit son ratio combiné (rapport sinistres/primes) s’améliorer. Il passe ainsi de 102 % en 2019 à 96,1 % en 2020. « Au global, pour les branches directement impactées par la crise liée à la Covid-19 (auto, professionnels/entreprises, santé, prévoyance), les indemnisations de sinistres augmentent de 2,9 milliards d’euros sur l’année », indique la FFA.
  • Sur la branche Santé et Prévoyance, les prestations ont augmenté de près d’un milliard à 19,8 milliards d’euros (+4,4 %), plus vite que les cotisations (25,2 milliards d’euros, +1,8 %) en France en 2020. Si sur la partie Santé, les acteurs constatent une baisse des prestations du fait des confinements (moins de consultations de médecins de ville), cet effet est compensé par une hausse de la sinistralité en décès et en arrêts de travail…

Lors de sa conférence de presse du 5 juillet 2021, le CTIP (Centre Technique des Institutions de Prévoyance) qui représente et défend les intérêts des institutions de prévoyance, a dressé le bilan suivant concernant ses adhérents[4] : en 2020, les cotisations ont reculé de 3,4 % à 13 milliards d’euros, soit une perte de chiffre d’affaires de 500 millions d’euros. Toutes les activités sont en baisse : santé (-2,7%), arrêts de travail (-2,2 %), garanties décès (-5,5 %) et retraite supplémentaire (-8,7%). Ce recul historique résulte essentiellement des actions d’exonération des cotisations mises en place par certaines branches professionnelles ainsi que du recours massif des entreprises adhérentes à l’activité partielle en 2020. Les prestations restent stables à 12,4 milliards d’euros, avec des évolutions contrastées selon les garanties. Les dépenses de santé ont baissé de plus de 4 %. En revanche, les prestations en prévoyance ont progressé de 6,5%, principalement sous l’effet de la forte hausse des arrêts de travail : la charge de prestations sur les arrêts de travail a en effet bondi de 14,5 %. Quant aux prestations liées aux garanties décès, elles ont diminué de 11%, la mortalité liée à la pandémie ayant principalement touché les plus de 65 ans.

COMMENT LES NOUVELLES EXIGENCES REGLEMENTAIRES DE 2020 SUR LES IMPOTS DIFFERES ONT-ELLES ETE TRAITEES DANS LES SFCR

Entré en vigueur depuis le 1er janvier 2020, le règlement délégué (UE) 2019/981 modifie le règlement 2015/35 complétant la directive Solvabilité 2. Le nouveau règlement a apporté des précisions sur les impôts différés (du calcul de la recouvrabilité des impôts différés à la publication des informations dans les fonds propres, le capital de solvabilité requis et le minimum de capital requis, en passant par sa gouvernance dans l’entreprise d’assurance ou de réassurance). Ces informations devraient être communiquées dans les SFCR et RSR annuels de l’entreprise d’assurance ou de réassurance. Ainsi, l’année 2020 marque le premier exercice de la publication de ces nouvelles exigences. En restant sur le même échantillon retenu dans les précédentes études, nous allons regarder maintenant comment les bancassureurs, les assureurs traditionnels, et les mutualistes et organismes paritaires ont communiqué dans le rapport SFCR.

Communication sur la gouvernance des impôts différés – art. 260 :

  • Le règlement délégué 2019/981 a apporté des précisions sur le fait que les impôts différés doivent être couverts par la gestion des risques au même titre que le risque de souscription, le risque de marché, le risque d’investissement, le risque de liquidité, etc. L’entreprise d’assurance ou de réassurance doit désormais inscrire dans sa politique de risque des éléments de gouvernance relatifs aux impôts différés et particulièrement sur l’attestation du montant et de la recouvrabilité de la capacité d’absorption de pertes des impôts différés.
  • Dans notre panel d’acteurs retenus, on constate que la majorité des acteurs n’ont pas communiqué sur la politique de gestion des risques d’impôt différés dans leur SFCR malgré la demande de la Directive.
  • Seulement 2 acteurs de notre panel d’étude ont glissé des informations concernant la gouvernance des impôts différés. Natixis Assurances a mentionné les termes « la politique d’impôts différés » dans sa description de documentation des risques. Groupama a mentionné « des travaux de calcul de l’absorption par l’impôt » réalisés par la Direction Financière Groupe dans le cadre de l’ORSA, ainsi que des analyses de sensibilité avec le recalcul des impôts différés.

Communication sur les impôts différés actifs dans les fonds propres – art. 297 §1 :

  • La communication sur les fonds propres se trouve généralement à la section « E. Gestion de capital »
  • Lorsque les acteurs (Natixis Assurances, CNP, AG2R La Mondiale, COVEA, Macif, Malakoff Humanis) ne disposent pas d’impôt différé actif dans les fonds propres, ils ne le communiquent pas systématiquement, à l’exception de COVEA qui a communiqué sa situation en impôt différé passif net.
  • Lorsque les acteurs disposent d’un impôt différé actif dans les fonds propres, on peut constater que le niveau de communication est hétérogène entre les acteurs retenus du panel d’étude.

Certains acteurs (AXA, Generali, GACM et CCA) ont dédié une sous-section à la description des impôts différés dans les fonds propres en essayant de répondre aux exigences de la Directive : méthode de calcul, principe de comptabilisation, montant susceptible d’être utilisé, confirmation de la disponibilité de l’impôt différé actif net en tant qu’élément de fonds propres de base classé en niveau 3, et description de la part comptabilisée en tant que fonds propres éligibles en respectant l’article 82. Les informations sur la méthode de calcul ou sur le principe de comptabilisation sont généralement renvoyées à la section D du rapport SFCR. Par ailleurs, la plupart des acteurs communiquent le montant sans description des actifs susceptibles d’être utilisés tel qu’exigé par la Directive.

  • 2 acteurs (AVIVA et Groupama) ont uniquement communiqué sur le fait que leurs impôts différés actifs nets sont classés en Tiers 3.
  • Les autres acteurs (Allianz, Cardif, Sogecap et Groupe VYV) ont fait le choix de ne pas communiquer sur les impôts différés actifs malgré leur existence dans les fonds propres.

Communication sur la capacité d’absorption des pertes d’impôts différés dans le capital de solvabilité requis et le minimum de capital requis – art. 297 §2 :

  • Comme pour les fonds propres, la communication sur la capacité d’absorption des pertes des impôts différés se trouve généralement à la section « E. Gestion de capital »
  • La plupart des bancassureurs du panel ne décrivent pas de manière détaillée les informations qu’exige la Directive sur chaque composante utilisée pour démontrer l’attribution d’une valeur positive à l’augmentation des actifs d’impôts différés et des hypothèses sous-jacentes utilisées pour la projection de bénéfices imposables futurs probables.
  • Un seul acteur du panel d’étude a fait l’exercice de communiquer la capacité d’absorption de pertes des impôts différés : AXA a dédié une sous-section avec la description et le montant de chaque composante de son impôt différé net.
  • CAA et Covéa ont communiqué de manière succincte le montant global de la capacité d’absorption des pertes par les impôts différés dans la communication du SCR et du MCR (section « E2. Capital de Solvabilité requis » pour CAA et section « E.2 Capital de solvabilité requis et minimum de capital requis » pour Covéa)

L’hétérogénéité dans la communication de la nouvelle exigence pourrait être expliquée par 2 raisons :

  •  Il s’agit du premier exercice de communication pour les entreprises d’assurance et de réassurance. Sur son site Internet, l’ACPR n’a pas communiqué une nouvelle version de la notice en lien avec le nouveau règlement. En effet, en 2015, lors du premier exercice de communication des rapports narratifs SFCR et RSR, l’ACPR a publié sur son site Internet une notice sur les communications attendues dans le SFCR auprès des entreprises d’assurance et de réassurance. Fin 2020, l’ACPR a publié une notice[5] qui est ainsi la version de 2015, en n’apportant pas de mise à jour par rapport au nouveau règlement délégué 2019/981. De ce fait, les entreprises d’assurance et de réassurance ont le libre choix dans la communication sur les impôts différés lors de ce premier exercice de communication en l’absence de précisions de l’ACPR. 
  • Puis, la coïncidence de la publication du nouveau règlement avec la conjoncture (de la crise sanitaire) aurait pu avoir des impacts néfastes sur la communication des rapports narratifs. En effet, cette situation n’aurait pas laissé aux entreprises d’assurance et de réassurance une marge de manœuvre dans leur communication afin de répondre aux exigences de la Directive avec, sans concertation entre les acteurs de la Place, une priorisation dans la communication des impacts de la crise sanitaire comme nous l’avons vu dans notre étude.

Nous vous proposons ci-après quelques extraits de communication au sujet de la nouveauté règlementaire de capacité d’absorption des pertes d’impôts différés issus des SFCR 2020 :

Extrait de la communication sur les impôts différés actifs dans les fonds propres de CAA

Extrait de la communication sur les impôts différés actifs dans les fonds propres d’AXA

Extrait de la communication sur la capacité d’absorption de pertes des impôts différés dans le capital de solvabilité requis et le minimum de capital requis d’AXA

Extrait de la communication sur la capacité d’absorption de pertes des impôts différés dans le capital de solvabilité requis et le minimum de capital requis de COVEA

Perspectives

Les rapports narratifs (RSR et SFCR) vont être amenés à évoluer dans les prochaines années à plusieurs titres. En effet, une révision de la directive Solvabilité 2 est actuellement en cours. L’EIOPA a d’ailleurs remis le 17 décembre 2020 ses propositions de révision à la Commission européenne. Cette révision était prévue par le texte et devait se concentrer sur les branches longues. Cependant, l’arrivée de la crise sanitaire et le contexte des taux bas qui se prolonge pénalisent les activités de long terme et la solvabilité des assureurs. L’EIOPA a souhaité prendre en compte ces nouvelles conditions économiques dans la révision de la directive Solvabilité 2 en introduisant, entre autres, un nouveau choc de taux en environnement de taux bas et en apportant des améliorations à la formule d’ajustement pour volatilité.

Sur le volet reporting (Pilier 3 : information au régulateur et au public), il est notamment proposé des ajustements sur les contenus des rapports narratifs avec pour principal objectif la séparation du SFCR en deux parties, dont une spécifiquement dédiée au public (les assurés) contenant 3 grandes thématiques déjà existantes dans le SFCR actuel (activité et performance, système de gouvernance, profil de risque et gestion du capital), le reste du rapport étant à destination des professionnels plus à même de comprendre les éléments techniques du SFCR.

La révision de la directive Solvabilité 2 ne devrait pas entrer en vigueur avant 2024 : la Commission européenne doit s’approprier des propositions de l’EIOPA en vue de présenter un texte au troisième trimestre 2021. Ce dernier sera ensuite soumis à la procédure du trilogue, c’est-à-dire que le Parlement et le Conseil de l’Union Européenne seront également amenés à se prononcer sur la révision de la directive.

En tout état de cause, les prochaines années resteront malheureusement marquées par la crise sanitaire de la Covid inscrivant durablement les mesures d’impacts dans les indicateurs de pilotage et dans les rapports narratifs. Avec l’aide de l’ACPR, les entreprises d’assurance et de réassurance auront probablement la possibilité de mieux s’organiser pour publier une information sur les impôts différés dans les rapports SFCR plus en adéquation avec les exigences réglementaires.

Article écrit par Linh Phung, Gaël Hoyer et Delphine Chen

Votre contact : Nicolas Roose ; [email protected] ; 07 68 26 66 82


En 2020, Allianz a pour la 1ère fois appliqué des mesures transitoires sur les provisions techniques des 2 entités allemandes Allianz Lebensversicherungs-Aktiengesellschaft et Allianz Private Krankenversicherungs-Aktiengesellschaf, suite à l‘approbation de la BaFin (équivalent ACPR allemande).

Source L’Argus de l’assurance

Source FFA

https://ctip.asso.fr/les-ip-affichent-des-resultats-2020-impactes-par-la-crise-sanitaire-et-la-taxe-covid/

[5] Notice publiée en 2020 sur le site Internet de l’ACPR : https://acpr.banque-france.fr/sites/default/files/media/2020/08/07/1._notice-solvabilite2-rsr-sfcr.pdf