La publication de la proposition de loi enregistrée par l’Assemblée nationale le 14 janvier dernier relative au courtage en assurance vient ranimer le débat sur la création des associations professionnelles à adhésion obligatoire sous le giron de l’ACPR. Initialement embarquée par la loi Pacte (avant d’être finalement censurée), la mesure vise à accompagner l’autorégulation de la profession, souhaitée depuis très longtemps par le marché. Si le Trésor et la majorité à l’Assemblée nationale souhaitent un examen début 2021 du texte, Planète CSCA appelle à un report sine die du projet de réforme, le temps que les courtiers se « remettent » de la crise de Covid-19.

Dans l’exposé de ses motifs, le législateur rappelle le constat initial formulé par l’ACPR de « dysfonctionnements en matière de conformité réglementaire, notamment en matière de commercialisation de contrats de complémentaire santé ou de médiation ». Il pointe également les difficultés rencontrées par le régulateur pour contrôler les courtiers et plus généralement les intermédiaires en opérations d’assurance. Or, ce sont bien les enjeux de conformité, et non de qualité ou d’efficacité opérationnelle, qui sont pointés du doigt.

Le développement des activités intermédiées (notamment sur le Web) a eu pour effet de faire gonfler les portefeuilles courtage des assureurs et mutuelles. Pour les acteurs qui ont fait le choix d’intermédier une partie de leur activité, l’enjeu est double : conserver des parts de marché satisfaisantes tout en maîtrisant efficacement le risque lié à l’activité.

La relation assureur-courtier, par nature commerciale, se trouve alors complexifiée par la problématique de la gestion du risque par l’assureur et la conformité réglementaire du courtier. Cet aspect de la relation ne peut s’entendre sans la mise en place d’un dispositif de suivi et de contrôle qui va toucher à l’ensemble de la relation avec les courtiers.

Un tel dispositif se révèle complexe et se décompose en plusieurs volets. Sur la qualité des opérations et de service, qui commencent à être relativement matures pour les principaux acteurs du marché, les opérateurs ont développé ces dernières années de plus en plus d’outils à destination des courtiers pour permettre d’encadrer les opérations déléguées (règles de souscription, contrôles automatiques embarqués dans l’outil, etc.), les délais et le niveau de qualité de ces opérations.

Respecter les contraintes réglementaires tout en restant compétitif

En revanche, sur la question du contrôle du courtier lui-même et de sa conformité, les pratiques et les avis diffèrent. On notera qu’en plus du régime de suivi de la sous-traitance des activités critiques ou importantes (pour les courtiers délégataires d’un certain volume), on a vu se multiplier ces dernières années les réglementations applicables aux organismes d’assurance et à leurs « tiers », voire qui prévoient une application directe aux intermédiaires en fonction de la taille et de l’activité considérée. Ainsi, les réglementations LCB-FT, DDA, RGPD, Sapin 2 et devoir de vigilance apportent de nouveaux défis pour le marché, à la fois en propre pour les assureurs, mais également en raison de leurs activités déléguées.

Pour comprendre l’enjeu, il faut avoir en tête la structure du marché français du courtage en assurance. Le rapport annuel 2018 de l’Orias fait état de près de 52 500 intermédiaires d’opérations d’assurance en 2018 (contre 47 500 environ en 2016), parmi lesquels presque 24 500 courtiers en assurance (contre un peu plus de 23 000 en 2016). Ces chiffres regroupent des réalités très différentes, allant du grand courtage à des structures de petites tailles, souvent autour d’un courtier personne physique (un peu plus de 8 500 en 2018) et de moins de cinq collaborateurs.

Face à ce constat d’éclatement, l’enjeu est double lorsque l’on se positionne du côté des courtiers : comment rester agile et compétitif d’un point de vue business tout en garantissant une parfaite conformité de sa structure et des activités déléguées à ses partenaires, au regard des moyens humains et financiers à mettre en œuvre pour se conformer à la norme réglementaire ? Tout le marché (courtiers, assureurs et régulateur) est aujourd’hui concerné par cet enjeu de surveillance efficace et proportionnée de l’ensemble des activités Respecter les contraintes réglementaires tout en restant compétitif intermédiées, de la conformité des intermédiaires et de suivi dans le temps de cette conformité.

La création des associations de courtiers est une première solution pour les accompagner face à ce devoir de conformité. La mesure avait fait parler d’elle car une partie du milieu du courtage y voyait un transfert des prérogatives de contrôle et de sanctions vers des entités nouvelles. Se sont également posées les questions des moyens alloués à ces associations, car le suivi et le contrôle des intermédiaires dans un contexte réglementaire complexe et mouvant nécessite des moyens et techniques conséquents.

Questionnaires uniformisés

Dans ce contexte, une initiative a également émergé et pourrait constituer un élément à articuler avec les missions des associations professionnelles. Dans le cadre de ses activités et vu son positionnement sur le marché des échanges de flux normalisés, EDI courtage a lancé il y a quelques mois une initiative regroupant des acteurs assureurs et courtiers (représentés par Planète CSCA) pour réfléchir à un dispositif de communication d’informations sur la conformité des courtiers en assurance. L’objectif initial de cette démarche était de simplifier, à la fois pour les assureurs et les courtiers, les échanges qui étaient jusqu’à présent matérialisés par les questionnaires annuels.

En effet, chaque assureur envoit ses questionnaires annuellement à l’ensemble de ses partenaires, avec des niveaux de détail et d’analyse très disparates. Le traitement des retours à ces questionnaires constitue un travail long et fastidieux pour les équipes opérationnelles.

Du côté des courtiers, la multitude des questionnaires à traiter, les périmètres des questions et des réglementations abordées entraînent également une charge de travail considérable.

C’est dans ce contexte qu’est né EDI Conformité, qui propose de mettre à disposition des assureurs et des courtiers des questionnaires uniformisés (qui pourront être complétés par des questionnaires complémentaires si nécessaire) construits collectivement et accompagnés de documents justificatifs. Ainsi l’ancienne pratique des questionnaires annuels serait remplacée par ce dispositif totalement dématérialisé, sécurisé et mutualisé en fonction des partenariats existants.

Si cette solution répond à un besoin, tant côté efficacité opérationnelle que conformité, il ne faut néanmoins pas négliger l’impact organisationnel en interne pour les assureurs qui devront définir une nouvelle gouvernance autour d’EDI Conformité et plus largement autour de la question de la conformité de leurs relations avec les tiers.

En effet, la dimension opérationnelle d’un tel dispositif de suivi et de contrôle est la clé car à partir du moment où les assureurs vont avoir la possibilité de collecter ces informations, ils devront faire évoluer leurs dispositifs d’animation des relations avec les courtiers partenaires pour y intégrer le suivi de la conformité, compléter voire prévoir des contrôles supplémentaires (sur place ou sur pièce), mettre en place des reportings et des suivis de plans d’actions.

A ce titre, on notera que les relations courtiers-assureurs sont rarement restreintes à une activité unique, gérées par une seule direction ou entité (côté assureurs et côté courtiers pour les structures les plus importantes). Or, l’approche conformité nécessitera de se coordonner en un dispositif global, qui devra centraliser l’ensemble des informations venant des différents métiers (input) et à l’inverse redescendre ensuite les résultats des reportings et contrôles aux entités opérationnelles pour garantir un suivi efficace dans le temps (output).