Les principes clés de la future norme IFRS 17 « Contrats d’assurance »

La norme IFRS 17 relative à la comptabilisation et à la valorisation des contrats d’assurance entrera en vigueur le 1er janvier 2021, simultanément pour un grand nombre d’assureurs avec la norme IFRS 9 relative à la comptabilisation et à l’évaluation des instruments financiers.

Ainsi, la norme IFRS 17 vient remplacer la norme IFRS 4 publiée en 2004 comme une norme provisoire. La norme IFRS 4 permettait de maintenir des règles comptables locales, ce qui rendait difficile toute comparaison.

Les principaux objectifs poursuivis sont d’assurer davantage de transparence et une meilleure information financière en particulier sur la profitabilité des acteurs du secteur.

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La norme IFRS 17 vise également une meilleure cohérence avec les autres normes IFRS répondant ainsi aux critiques adressées à la norme IFRS 4. Elle constitue désormais avec les normes IFRS 9 et IFRS 15 une ensemble homogène permettant la reconnaissance de toutes les typologies de contrats : assurance, d’investissement ou des activités ordinaires.
Image 2   Si la norme IFRS 17 publiée par l’IASB est une version définitive, elle n’a pas encore été adoptée par l’Union Européenne et ne le sera pas avant plusieurs mois. En effet, le processus d’homologation de l’Union Européenne repose sur un double mécanisme d’adoption avec un examen technique de l’EFRAG prévu fin 2018 et un avis politique de l’ARC (Accounting Regulatory Comitee) fixé à mai 2019. Ces deux éléments permettront la décision d’applicabilité par la Commission Européenne et la publication officielle de la norme dans chacune des langues de l’Union Européenne. IFRS 17 représentant une modification fondamentale de la pratique existante pour la plupart des entreprises d’assurance, le Board de l’IASB a décidé, afin de faciliter la mise en œuvre de la future norme, de constituer un « Groupe de Ressource de Transition IFRS 17 Assurance » composé de préparateurs d’états financiers (AXA, Generali, Allianz, Aviva…) et de 6 professionnels de l’audit.   Image 3   Quels sont les principaux changements introduits par la future norme IFRS 17 ? La norme IFRS 17 prévoit une nouvelle maille de comptabilisation des contrats d’assurance qui se décline selon 3 axes : le portefeuille d’assurance, la notion de profitabilité et la cohorte. Elle prévoit ainsi de retenir un niveau d’agrégation des contrats d’assurance beaucoup plus détaillé que précédemment. Au-delà de la notion de portefeuille - gérant ensemble des risques similaires, devront être distingués des groupes de contrats selon a minima 3 niveaux de profitabilité (contrats onéreux, contrats qui n’ont pas de possibilité significative de devenir onéreux subséquemment, autres contrats a priori profitables). Ces groupes ne pourront pas intégrer des contrats présentant plus d’un an d’écart entre leur date de souscription – notion de cohorte annuelle (cf. schéma suivant).   Image 4   Cette segmentation interpelle les assureurs car elle pourrait conduire à démutualiser certains contrats – à la fois au niveau des risques et dans la répartition des coûts et des efforts commerciaux. Elle pose en outre la question de la génération de données de qualité à ce niveau de maillage et des capacités calculatoires.   La norme IFRS 17 introduit un modèle unique d’évaluation (Building Block Approach) basé sur l’actualisation des flux futurs et construit autour de 3 éléments clés :
  • Les Best Estimates: valeur actuelle probable des flux futurs engendrés par l’exécution de l’engagement,
  • L’ajustement pour risque (« risk adjustment ») : compensation qu’une entité requerrait pour supporter l’incertitude associée aux flux futurs de trésorerie,
  • La marge de service contractuelle (« contractual service margin ») représentant le profit attendu du contrat (calibrée pour éliminer tout gain à la souscription « at initial recognition »), profit reconnu en résultat au rythme des services rendus.
  Image 5   Image 6   Ces éléments s’inscrivent dans le prolongement des travaux et modèles développés dans le cadre de Solvabilité 2, même si des écarts certains existent (frontière des contrats, granularité, actualisation des flux, CSM, méthode de détermination de l’ajustement pour Risque, Compte de résultat…). Dans le cadre de ce modèle, la norme IFRS 17 offre de nombreuses options de comptabilisation et de valorisation.   Cette approche se décline en 3 modèles pour s’adapter aux risques courts, aux contrats de réassurance et aux contrats participatifs selon le schéma suivant :   Image 7   Le modèle Premium Allocation Approach : une approche alternative simplifiée pour les contrats à court terme Une entité peut simplifier l’évaluation d’un groupe de contrats d’assurance en ayant recours à l’approche PAA sur des contrats dont la période de couverture n’excède pas un an et à condition que cette simplification n’introduise pas d’écart significatif avec l’approche générale sur la couverture résiduelle. L’approche simplifiée prévoit, au titre des sinistres non survenus, de comptabiliser le passif d’assurance par une provision pour primes non acquises. Cette provision se substitue aux montants comptabilisés dans le cadre du modèle général (Fulfilment Cash Flows et CSM) et donc à la constitution d’une CSM et à son suivi dans le temps. Elle donne également la possibilité de négliger la valeur temporelle de l’argent (time value of money). Cette approche impose de reconnaître les coûts d’acquisition comme des dépenses lorsqu’ils sont engagés. Les sinistres survenus, quant à eux, se voient appliqués l’approche générale (provisions de sinistres sur les périodes d’assurance passées = Best Estimate + RA). Cette approche devrait être plus répandue chez les Assureurs non-vie pour lesquels les couverture d’assurance ne dépassent pas généralement un an bien qu’annuellement renouvelables. Toutefois, elle ne conviendra que si la volatilité de la sinistralité est faible dans la mesure où « l’écart raisonnable » d’approximation avec l’approche générale devra être démontré. La question sera de mesurer l’opportunité de retenir la PAA s’il faut à chaque arrêté démontrer l’écart raisonnable d’approximation avec le modèle général (BBA) ? Le modèle Variable Fee Approach : adaptation du modèle général aux contrats participatifs directs Ce modèle s’applique aux contrats d’assurance avec une participation discrétionnaire directe, soit des contrats dans lesquels il est spécifié que l’assureur partage avec l’assuré un retour sur investissement d’un ensemble d’actifs sous-jacent clairement identifiés. L’entité d’assurance entend donc payer à l’assuré une part significative d’un retour sur investissement sur les actifs sous-jacent moins un montant variable d’honoraires (variable Fee) que l’entité déduira en échange des services rendus dans le cadre du contrat d’assurance.  Il est nécessaire que l’entité détienne en direct les actifs identifiés. Dans ce cadre, l’approche VFA prévoit une évaluation des Fulfilment Cash Flows et de la CSM qui reflète l’évolution de la juste valeur des éléments sous-jacents. Les effets de changement d’hypothèse sur les Fees (honoraires) que l’entité s’attend à percevoir sont ajustées par la CSM.   La future norme IFRS 17 modifie ainsi le rythme de reconnaissance du résultat de l’activité d’assurance et impacte le processus de pilotage avec de nouveaux indicateurs de performance. Le format du compte de résultat évolue en profondeur, traduisant une approche désormais par les marges n’incluant plus les flux de « dépôts / trésorerie » mais une comparaison des éléments attendus versus survenus. Ainsi, les primes n’apparaissent plus en compte de résultat. Le compte de résultat s’organise autour de 2 agrégats clés :
  • Le résultat de souscription qui se décompose entre :
    • Le relâchement de la CSM, profit attendu libéré dans l’exercice au rythme des services rendus,
    • L’amortissement de l’ajustement pour risque relatif à l’exercice,
    • L’écart d’expérience sur les prestations attendues / survenues lors de l’exercice ainsi que sur la reprise des frais d’acquisition,
    • Les pertes constatées sur les contrats onéreux.
 
  • Le résultat financier intégrant :
    • La comptabilisation des produits financiers conformément à IFRS 9,
    • Le calcul des charges financières correspondantes à la désactualisation des passifs IFRS 17 (Best Estimate, Risk Adjustement et Contractual Service Margin).
  Image 8   Plusieurs options méthodologiques de reconnaissance des résultats (Income and expenses in Profil or Losss versus Other Compréhensive Income) sont proposées par la future norme IFRS 17 : #81 – Une entité n’a pas d’obligation à distinguer les éléments de variation de l’Ajustement pour Risque (Risk Adjustment) relatifs au risque non financier entre le résultat de souscription et le résultat financier (charge de désactualisation). Le montant global de variation de l’Ajustement pour Risque (Risk Adjustment) peut être ainsi placé intégralement sur l’agrégat résultat de souscription (Insurance service result). #88 – L’entité a également deux possibilités pour enregistrer les charges et produits financiers de la période liés à la désactualisation des provisions techniques et aux écarts d’estimation des flux relatifs aux services futurs : soit la totalité est comptabilisée en résultat (P&L) soit un montant est alloué à la période (démarche d’allocation dite systématique établie sur la durée totale de couverture) et l’écart résiduel est enregistré en OCI. #89 – Pour les contrats avec une participation discrétionnaire directe, dont les actifs sous-jacent sont détenus par l’entité d’assurance, deux options peuvent être retenues : inclure en résultat (P&L) l’ensemble des charges financières ou retenir dans le résultat un montant qui permette d’annuler toute distorsion (mismatch) avec les produits et charges financières déjà enregistrés en résultat au titre des actifs sous-jacent. La charge d‘intérêt résiduelle par rapport à celle retenue en résultat est comptabilisée en OCI (Approche dénommée Current Period Book Yield).   Image 9 De façon plus générale, la norme ne précise pas de modèle de détermination ni de reprise de l’Ajustement pour Risque.   La norme IFRS 17 impacte également la communication financière avec de nouveaux indicateurs de performance, un nouveau bilan et compte de résultat et de nouvelles annexes aux états financiers. Parmi les annexes clés à établir, la réconciliation entre les passifs des contrats d’assurance IFRS 17 entre l’ouverture et la clôture de l’exercice (#98) constitue un élément de contrôle clé. Elle doit notamment permettre de distinguer plusieurs axes d’analyse :
  • Les contrats d’assurance et les contrats de réassurance (#98),
  • Les éléments de cash flows et les éléments reconnus en compte de résultat (#98),
  • Les passifs pour la période résiduelle et les passifs au titre des sinistres survenus (#100),
  • Les composantes BE, RA et CSM (#101),
  • L’ensemble des agrégats du compte de résultat (produits et charges de souscription, produits et charges financières) (#103),
  • Les périodes passées, présentes et futures (#104),
  • Les éléments de cash flows de la période (primes, sinistres…) (#105).
Cette réconciliation constituera la clé de voute des réconciliations de la future norme IFRS 17 et à ce titre participera du futur modèle de données IFRS 17. Exemple de réconciliation attendue Image 10    Ce n’est que la partie émergée de l’iceberg, car la mise en œuvre de la future norme IFRS 17 requiert en fait de réexaminer l’ensemble des processus et outils de projection, de pilotage et de production des données financières de façon transverse à l’entreprise impactant les fournisseurs d’information (SI de gestion, bases décisionnelles, bases d’actifs, contrôle de gestion…), les producteurs et les préparateurs des états financiers au niveau entités et groupe. Des chantiers doivent être ainsi envisagés sur les domaines clés que sont : le pilotage des résultats, la comptabilité multinorme et la consolidation, les modèles actuariels… avec au préalable la réalisation de travaux de cadrage, des analyses des options structurantes normatives, des mesures d’impacts sur la Gouvernance, les processus et les SI et des simulations / prototypes. Les équipes Adequation Advisory – consultants et actuaires – vous accompagnent sur les chantiers opérationnels de mise en œuvre de la future norme IFRS, d’ici l’entrée en vigueur de 2021 et en préparation de l’exercice de transition de 2020. [/vc_column_text]